Inaptitude du salarié : quand reprendre le paiement du salaire ?

Deux arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation le 10 janvier 2024 (1)(2) rappellent que l’employeur doit reprendre le paiement du salaire dans le mois qui suit la visite médicale de reprise ayant déclaré le salarié inapte si ce dernier n’a pas fait l’objet d’un reclassement ou s’il n’a pas été licencié pour inaptitude.

Une règle prévue par le Code du travail : la reprise du paiement du salaire sous un délai d’un mois en cas d’absence de reclassement ou de licenciement

Pour rappel, à compter de l’avis d’inaptitude le salarié ne perçoit plus de salaire.

En application des articles L.1226-4 (concernant l’inaptitude faisant suite à une maladie ou un accident non professionnel) et L.1226-11 (lorsque l’inaptitude fait suite à une maladie ou à un accident du travail) du Code du travail, l’employeur a l’obligation de reprendre le paiement du salaire du salarié déclaré inapte dans un délai d’un mois à compter de la date de la visite de reprise.

La reprise du paiement du salaire s’impose dans deux hypothèses :

  • si le salarié ne fait pas l’objet d’un reclassement ;
  • s’il n’est pas licencié pour inaptitude.

La règle de la reprise du paiement des salaires a pour objet de dissuader l’employeur d’adopter une attitude attentiste en ne prenant pas l’initiative de la rupture du contrat.

Les deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 10 janvier 2024 rappellent cette obligation légale et viennent apporter quelques précisions complémentaires.

La reprise du paiement s’impose même en présence d’un recours judiciaire contre l’avis d’inaptitude 

La première affaire concernait un salarié en arrêt maladie déclaré inapte à son poste par le médecin du travail et dont l’état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise.

Comme le lui permet la procédure accélérée au fond prévue par l’article L.4624-7 du Code du travail, l’employeur a formé un recours contre l’avis d’inaptitude devant le Conseil de prud’hommes.

La juridiction a confirmé l’avis d’inaptitude et a condamné l’employeur au versement des salaires à compter du mois suivant la visite médicale de reprise.

L’employeur a interjeté appel du jugement en considérant que le délai de reprise des paiements était interrompu par l’action en justice et que ce délai ne pouvait commencer à courir qu’à compter d’une décision définitive relative à la constatation de l’inaptitude ou à compter de la décision du juge.

La Cour d’appel puis la Cour de cassation confirment toutefois la position retenue en première instance.

La Haute Juridiction précise également qu’un recours contentieux ne suspend pas le délai d’un mois imposé à l’employeur pour reprendre le versement du salaire.

La reprise du paiement du salaire s’impose même en présence d’une obligation de reclassement réputée satisfaite

Dans la deuxième affaire, la Cour de cassation s’est prononcée sur les conséquences de la bonne exécution de l’obligation de reclassement vis-à-vis de l’obligation de reprise du versement du salaire.

Pour rappel, l’obligation de reclassement impose à l’employeur de proposer au salarié un autre emploi adapté à ses capacités tout en prenant en compte les conclusions du médecin du travail.

Dans cette affaire, le salarié avait été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail.

Ce dernier avait toutefois indiqué qu’un reclassement sur un poste similaire, sur un autre site et en travail de jour était envisageable.

L’employeur avait alors adressé 5 jours plus tard une proposition écrite de reclassement pour un emploi d’agent de sécurité sur un autre site en journée.

Le salarié a refusé la proposition et a saisi la formation des référés du Conseil de prud’hommes pour obtenir la reprise du paiement de ses salaires à l’issue du délai d’un mois.

La Cour d’appel a retenu que l’employeur avait respecté ses obligations relatives à la recherche loyale et sérieuse de reclassement.

Elle a considéré que l’employeur n’avait pas l’obligation de reprendre le versement du salaire dans la mesure où l’obligation de reclassement était satisfaite.

La Cour de cassation a quant à elle censuré l’argumentation de la Cour d’appel et a considéré que même si l’employeur était présumé avoir satisfait à son obligation de reclassement, il aurait dû reprendre le versement des salaires à l’issue du délai d’un mois.

(1)  Cass. soc. 10 janvier 2024, 22-13.464 
(2)  Cass. soc. 10 janvier 2024, 21-20.229 
(3)  Cass. soc. 4 mai 1999 n° 98-40.959
(4)  Cass. soc. 28 janvier 2004 n° 01-46.913 
(5)  Cass. soc. 7 décembre 1999 n° 97-43.775 PB

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