A la suite d’un revirement de jurisprudence, la Chambre sociale de la Cour de cassation est venue juger que le temps de déplacement d’un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premiers et derniers clients peut constituer du temps de travail effectif lorsque certaines conditions strictes soient remplies.
Rappel de la définition du temps de travail effectif
Le Code du travail définit le temps de travail effectif comme étant le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles conformément aux dispositions de l’article L.3121-1 du Code du travail.
Il indique expressément que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas du temps de travail effectif.
Toutefois, si ce temps de déplacement professionnel dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière sauf si ce temps de déplacement coïncide avec l’horaire de travail et sans pour autant pouvoir être qualifié de temps de travail effectif.
Un revirement de jurisprudence sous l’impulsion du droit de l’Union européenne
Dans un arrêt du 23 novembre 2022[1], la Cour de cassation a jugé que constitue du temps de travail effectif, un trajet durant lequel un salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans vaquer librement à ses occupations personnelles.
Le salarié concerné revendiquait à l’occasion d’un contentieux la qualification de ces temps en temps de travail effectif afin d’obtenir le paiement de rappels d’heures supplémentaires à ce titre.
La Cour d’appel puis la Cour de cassation lui donnent raison au motif que, pendant les temps de trajet ou de déplacement (et notamment les temps entre son domicile et les premiers et derniers clients), il devait exercer ses fonctions commerciales habituelles comme la prise de rendez-vous, les appels de clients ou de ses collègues à l’aide d’un kit mains libres installé dans son véhicule professionnel.
Les magistrats de la Cour de cassation ont ainsi jugé, sous l’influence du droit de l’Union européenne que ces temps devaient être intégrés dans son temps de travail effectif et rémunérés comme tel.
La Cour de cassation a ensuite confirmé sa position dans le cadre d’une affaire dans laquelle le salarié itinérant était soumis par son employeur à un planning prévisionnel et utilisait un véhicule de service[2].
Auparavant, la Cour de cassation jugeait en effet de manière constante que le temps de trajet entre le domicile d’un salarié itinérant et son lieu de travail ne constituait pas un temps de travail effectif et ne pouvait, donner lieu qu’à contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière.
Une appréciation au cas par cas
Ce revirement de jurisprudence ne conduit pas pour autant à considérer que tous les temps de déplacement des salariés itinérants constituent nécessairement du temps de travail effectif.
Il convient en conséquence de procéder à une appréciation au cas par cas du degré d’autonomie et de liberté laissé au salarié pendant ces temps.
La prudence est donc de rigueur en la matière tant les enjeux financiers peuvent être importants en cas de contentieux.
Le cabinet Pastel Avocat est à votre disposition vous aider notamment à qualifier juridiquement les temps de déplacement de vos salariés itinérants et à sécuriser vos pratiques.
[1] Cass. Soc., 23 nov. 2022, no 20-21.924
[2] Cass. Soc. 1er mars 2023, n°21-12.068