Dans un arrêt rendu le 19 avril 2023[1], la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que des témoignages anonymisés peuvent être pris en considération par le juge dans le cadre d’un contentieux.
Il convient de noter qu’il s’agissait dans l’affaire soumise à son examen de témoignages anonymisés et non anonymes, à savoir des témoignages rendus anonymes a posteriori.
Un témoignage anonymisé n’a pas à être automatiquement écarté
Dans le cadre de l’affaire jugée par la Cour de cassation, l’employeur tentait de justifier le bien-fondé d’une sanction disciplinaire en rapportant la preuve des manquements reprochés à un salarié à l’aide des documents suivants :
- L’attestation anonymisée d’un salarié en raison de sa crainte de représailles ;
- Le compte rendu de l’entretien que ce salarié avait eu avec un membre de la direction de ressources humaines de la Société
La Cour d’appel[2] avait donné tort à l’employeur au motif que les éléments de preuve communiqués étaient dépourvus de valeur probante et empêchaient le salarié de se défendre d’accusations anonymes.
La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel et donne raison à l’employeur en précisant la réserve suivante : les témoignages anonymisés peuvent être pris en compte à condition qu’ils soient corroborés par d’autres éléments de preuve permettant d’en analyser la crédibilité et la pertinence.
Ainsi, le seul caractère anonymisé des attestations ne suffit pas à écarter leur valeur probante.
La différence entre témoignage anonymes et témoignages anonymisés est cruciale : la valeur probatoire des premiers peut être grandement contestée tandis que l’identité des auteurs de témoignages anonymisés est connue mais rendue anonyme pour protéger leur identité. C’est la raison pour laquelle ils doivent être corroborés par d’autres éléments.
Cette solution permet ainsi de concilier la recherche d’anonymat de témoins potentiellement inquiets par des représailles et la nécessité pour l’employeur de démontrer la réalité des fautes reprochées à un salarié.
Il convient toutefois de noter qu’avec cette décision, les juges confirment la possibilité de ne pas divulguer l’identité des témoins alors que leur identité est connue de l’employeur, dans la mesure où l’anonymat est requis à des fins de protection.
Un témoignage anonymisé ne peut toutefois pas suffire
Cette décision ne constitue pas à proprement parler d’un revirement de jurisprudence dès que la Cour de cassation continue de considérer que «le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes »[3].
En synthèse, un témoignage anonymisé n’est pas suffisant s’il n’est pas accompagné d’autres d’éléments.
[1] Cass. Soc. 19 avril 2023, n°21-20.308
[2] CA Toulouse, 28 mai 2021, n°18/04203
[3] Cass. Soc., 04 juillet 2018, n° 17-18.241